Dans notre époque numérique, la cybersécurité s’impose désormais comme une préoccupation fondamentale pour les établissements médicaux. Les infrastructures sanitaires, sanctuaires de données hautement sensibles, deviennent malheureusement des cibles privilégiées pour les pirates informatiques. Cette menace grandissante exige une vigilance accrue et des réponses stratégiques adaptées.
Cet article explore le paysage actuel de la cybersécurité dans le secteur médical. Nous analyserons les vulnérabilités spécifiques de cet écosystème numérique et présenterons les approches essentielles pour renforcer la protection des systèmes d’information en santé.

État des lieux : pourquoi la cybersécurité est cruciale en santé
Une vulnérabilité croissante face aux cybermenaces
Les établissements de santé subissent aujourd’hui des attaques informatiques multiples et sophistiquées. Ces agressions peuvent paralyser entièrement leurs systèmes d’information. De plus, elles facilitent l’exfiltration de données confidentielles concernant les patients. Face à cette réalité, le gouvernement a considérablement renforcé sa stratégie nationale de cybersécurité destinée aux structures sanitaires et médico-sociales.
Plusieurs initiatives majeures ont été déployées. D’abord, le plan Hôpital numérique a posé les fondations d’une démarche de sécurisation. Ensuite, le programme HOP’EN a consolidé cette approche. Plus récemment, le Ségur numérique a élargi la protection à l’ensemble des systèmes d’information de santé (SIS).
Le facteur humain : maillon essentiel de la cybersécurité
Les professionnels utilisant quotidiennement les systèmes d’information hospitaliers (SIH) constituent un élément déterminant dans la chaîne de cybersécurité. Leur adoption d’une démarche de « cyberhygiène » s’avère fondamentale. Cette approche vise à sensibiliser chaque utilisateur aux enjeux sécuritaires des outils numériques qu’il manipule régulièrement.
Des gestes simples mais efficaces limitent significativement les risques d’intrusion. Par exemple, le renouvellement périodique des mots de passe renforce considérablement la protection des accès. De même, l’identification et l’isolement immédiat des courriels suspects préviennent de nombreuses attaques.
La sécurité numérique requiert une responsabilité individuelle mais s’inscrit également dans une démarche collective. Dans chaque établissement médical, différents services collaborent pour garantir cette protection. Les équipes chargées de la conformité, de la qualité, de la sécurité et de la protection des données personnelles (RGPD) travaillent conjointement avec les gestionnaires des systèmes d’information pour établir un environnement numérique sécurisé.
Quatre axes stratégiques pour renforcer la cybersécurité en santé
1. Formation continue et adaptée aux réalités du terrain
Les approches modernes privilégient désormais des sessions régulières de formation en petits groupes. Ces ateliers intègrent des participants aux profils variés et alternent présentations théoriques et apprentissage pratique en ligne. Cette méthodologie participative favorise l’assimilation durable des connaissances.
Plusieurs ressources officielles soutiennent ces démarches formatives. L’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI) et l’Agence du Numérique en Santé (ANS) proposent des supports pédagogiques accessibles. Ces documents couvrent notamment les précautions élémentaires et abordent des thématiques cruciales comme la réaction face aux actes malveillants.
Dans le cadre de la stratégie nationale de cybersécurité, le ministère de la Santé a lancé en juin 2021 une initiative majeure : la campagne « Tous cybervigilants ». Cette action de communication nationale sensibilise spécifiquement les acteurs du monde médical aux bonnes pratiques numériques.
2. Culture de sécurité partagée et contextualisée
L’approche la plus efficace repose sur des scénarios pratiques adaptés aux réalités professionnelles des personnels soignants. Ces exercices concrets facilitent l’appropriation des règles de cyberhygiène en évitant les concepts trop abstraits. L’objectif principal consiste à préparer les équipes à identifier les cybermenaces et à mettre en œuvre les procédures adéquates pour minimiser leur impact.
Idéalement, les simulations d’attaques devraient être personnalisées selon les spécificités de chaque service. Ces exercices permettent d’observer les comportements réels des utilisateurs face aux menaces. Les données ainsi collectées servent ensuite à élaborer des mesures correctives ciblées.
Pour des actions plus ambitieuses dépassant le cadre de la messagerie personnelle, les établissements peuvent s’appuyer sur les dispositifs d’exercices de gestion de crise développés par l’ANSSI et l’ANS. Ces protocoles structurés testent la résilience de l’ensemble du système d’information et préparent les équipes à gérer des situations critiques.
3. Mesures techniques de sécurisation des infrastructures
Les discussions sur la cybersécurité en santé soulignent fréquemment les risques liés à la multiplication des applications métiers et à l’hétérogénéité des configurations logicielles. Si cette fragmentation représente effectivement une vulnérabilité majeure, il convient de ne pas sous-estimer l’importance des « couches basses » : infrastructures matérielles et systèmes d’exploitation supportant ces applications.
La compromission des comptes administrateurs gérant ces infrastructures constitue une voie de pénétration privilégiée dans les systèmes d’information hospitaliers. Les accès distants, notamment via VPN, représentent également des points de fragilité potentiels lorsqu’ils sont insuffisamment sécurisés.
L’ANSSI met à disposition des guides détaillés pour renforcer la sécurité de ces couches fondamentales. Les rubriques « Architecture et Sécurité des Systèmes » et « Sécurité Réseau » de son catalogue technique offrent des recommandations précieuses pour les responsables informatiques des établissements de santé.
4. Protection des actifs numériques selon le principe « Zéro Trust »
Le modèle « Zéro Trust » repose sur un principe fondamental : aucun accès n’est accordé par défaut, chaque demande d’accès fait l’objet d’une vérification rigoureuse. Cette approche doit toutefois être adaptée avec discernement dans l’environnement hospitalier, caractérisé par une grande diversité de systèmes et d’applications.
Si les attaques externes représentent la menace la plus visible, les risques internes ne doivent pas être négligés. Des actes malveillants peuvent également provenir de l’intérieur de l’établissement. Le modèle Zéro Trust constitue une réponse efficace à cette double menace en imposant des protocoles de sécurité rigoureux pour tous les accès, qu’ils soient internes ou externes.
L’ANSSI propose des ressources spécifiques pour implémenter progressivement cette approche dans les établissements de santé, en tenant compte de leurs contraintes opérationnelles particulières.
Construire un cadre de cybersécurité adapté aux établissements de santé
Les mesures traditionnelles comme les règles de sécurité élémentaires et les solutions antivirales ne suffisent plus à contrer les attaques informatiques sophistiquées. C’est pourquoi le ministère de la Santé accompagne désormais les établissements dans la co-construction d’un cadre de cybersécurité adaptable localement.
Cette démarche mobilise l’expertise de nombreux acteurs institutionnels : agences d’État (ANSSI, ANS, ANAP, ATIH), agences régionales de santé (ARS), groupements régionaux d’appui au développement de la e-santé (GRADeS), fédérations professionnelles et structures ministérielles (DGOS, DNS, HFDS).
Trois étapes essentielles permettent de construire un dispositif de cybersécurité efficace au niveau local.
1. Initialisation de la démarche et auto-évaluation
La première phase débute par l’appropriation du guide des mesures prioritaires de sécurité des systèmes d’information. Ce document fondamental identifie les actions à mettre en œuvre rapidement pour établir un socle minimal de protection.
Cette étape initiale se poursuit par une auto-évaluation des dispositifs organisationnels et techniques via la plateforme OSiS v2. Cette analyse s’appuie sur les mesures prioritaires définies dans le guide et sur les recommandations issues des programmes antérieurs au Ségur numérique.
Le suivi régulier de l’application de ces mesures contribue à une gouvernance plus efficace à tous les niveaux : hospitalier, régional et national. Cette démarche collective permet d’améliorer progressivement la maturité en sécurité des systèmes d’information de l’ensemble du secteur sanitaire.
2. Définition et application d’un plan d’action personnalisé
Le plan d’action final relève de la responsabilité de chaque établissement. Idéalement, cette stratégie s’inscrit dans le cadre plus large du Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) auquel appartient la structure. Cette approche territoriale présente plusieurs avantages majeurs : mutualisation des ressources, cohérence des initiatives à l’échelle du territoire et solidarité effective entre les membres du groupement en cas d’attaque informatique.
Un canevas spécifique, disponible auprès des autorités compétentes, facilite la rédaction structurée de ce plan d’action. Ce document, régulièrement actualisé, guide les établissements dans l’élaboration d’une stratégie adaptée à leurs particularités.
3. Mobilisation des acteurs spécialisés pour les actions critiques
La mise en œuvre de certaines actions complexes ou stratégiques nécessite l’intervention d’experts en cybersécurité. Une liste détaillée des acteurs et ressources spécialisés, constamment mise à jour, permet aux établissements d’identifier rapidement les partenaires adaptés à leurs besoins spécifiques.
Cette collaboration avec des professionnels qualifiés garantit l’efficacité des mesures les plus techniques et renforce significativement la résilience globale du système d’information.
Conclusion
La cybersécurité représente aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour le secteur de la santé. Au-delà de la protection des systèmes informatiques, c’est la continuité des soins et la confidentialité des données des patients qui sont en jeu.
Face à des menaces de plus en plus sophistiquées, les établissements médicaux doivent adopter une approche proactive et multidimensionnelle. La combinaison judicieuse de formations adaptées, d’une culture de sécurité partagée, de mesures techniques rigoureuses et d’une protection intelligente des actifs numériques constitue la meilleure défense contre les cyberattaques.
La mobilisation collective de tous les acteurs, des dirigeants aux utilisateurs quotidiens, demeure la clé d’une cybersécurité efficace dans le monde médical. Cette vigilance partagée garantit non seulement la résilience des systèmes d’information, mais aussi la confiance des patients dans le système de santé numérique.
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